Nicolas Blin

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Repères et éléments biographiques - extraits iconographiques


un polyptyque pour un Centenaire - Auvers sur Oise - 1990

hommage à Vincent Van Gogh pour le centenaire de sa disparition

texte de Laurent Seyral

 

 

Elément scénique du Festival, église d’Auvers sur Oise, château de Méry sur Oise

Rostropovitch, le 3 mai 1990 - église d'Auvers sur Oise

Le livre du polyptyque : pdf 2022

Commandé par le Festival de Musique d’Auvers-sur-Oise, ce polyptyque célèbre un double anniversaire : le centenaire de la mort de Vincent et le dixième festival en mai et juin 1990.

Il s’agit d’un polyptyque de neuf toiles qui participent à la décoration scénique des concerts.

Quatre niveaux de lecture:

  1. Neuf concerts : neuf toiles qui racontent la programmation.
  2. Chaque toile, isolément, est une vue intérieure de l'église d'Auvers
  3. Chaque toile raconte un moment privilégié des concerts de cette édition historique du festival.
  4. Installées sur une structure métallique, les toiles pivotent, décomposant ou recomposant cet hommage à Vincent van Gogh : L’oeuvre dans son ensemble reprend la construction de la toile de l’église d’Auvers peinte par van Gogh.
vidéo YouTube

au château de Mery avec Alexis Weissenberg

 

Nicolas Blin, Peintre du Xème Festival.

Laurent Seyral - mai 1990

Il y a au bout de la ruelle une bonne femme qui est là et qui marche. Ne me deman­dez pas où elle va, ni ce qu’elle va faire. Elle va. Elle a peut-être un rendez-vous d’amour, ou elle va chez sa mère pour lui changer ses draps, ou chez le notaire. Je ne sais rien d’elle. Vous non plus. Elle va, molle et lente, au milieu des fleurs jaunes. Elle passe tout près de la route du Sud, sans réfléchir.

Elle se fout du Bon Dieu qui est dedans et qui attend. Ou elle ne s’en fout pas. Allez savoir... Elle va peut-être mettre un cierge au fond de l’église. Pour son amour; pour sa mère; ou pour son notaire.

Elle est déjà au-delà de là où elle est. Son âme dont on ne voit que le dos du corps se promene au-delà, en fredonnant des chansons, et les fleurs l’écoutent passer et les pierres de l’église se trémoussent au risque que tout l’édifice s'écroule...

Heureusement Vincent s’est arrêté là.

Il s’est arrêté là il y a cent ans et cent ans plus tard, des âmes font, en passant, de la musique dans cette église qui est encore là.

Cette église (comme toutes les églises) c’est un “pays-frontière “ entre là et au-delà. Et l’oeuvre d’art, qu’elle soit en verbe, en couleur, en forme ou en rythme, se promène dans ce pays-frontière.

Dans cette église d’Auvers, on passe en foule pour recevoir un trait de violoncelle qui zig­zague entre les piliers, on dépose son regard par-dessus d’autres têtes, sur un chapiteau dans la pénombre.

On se rappelle que tout près d’ici Vincent Van Gogh est allé au-delà de sa passion et de sa pauvreté en s’envoyant une balle...

Nicolas Blin, quant à lui, s’est installé, en paix, sur une autre frontière (mais au fond c’est la même), la frontière entre "avant “ et “ après". Avant, c’est tout ce dont il s’est rappelé, en peignant, des précédents festivals auxquels il a assisté les spectateurs qui vont pour s’asseoir sur une chaise, ou qui se dirigent vers le portail en partant sans bruit avec leur voisin ; un pianiste qui traverse le transept, la peur au ventre, avant de se jeter sur son piano... Après, c’est ce qu’il imaginait, toujours en peignant, de ce qui allait se passer Rostropovitch qui appuie sur son archet en levant la tête ; ou ceux qui ont organisé la fête et se rongent les doigts en se demandant s’ils n’ont rien oublié, si tout est parfait; et puis toujours les spectateurs qui baguenaudent et buissonnent entre les piliers en attendant que ça commence.

C’est toutes ces images et des milliers d’autres qui lui viennent, au peintre, et se mélangent et séparent. C’est ce mélange d'"avant" et d'"après" qui fait le "maintenant" et le remplit entièrement, au moment où Blin se met à peindre le Festival d’Auvers. Et ce présent, c’est exactement une frontière.

Tout le monde est là (les musiciens, le public, les organisateurs) dispersé, dans les neuf toiles. Chaque toile est un morceau de l’église, avec des morceaux (des milliards) de la lumière qui revire soudainement dans les ogives, dans les voûtes, et les travées, les chapiteaux.

Les gens maîtrisent calmement leurs mouvements et les pierres de l’église s’ébrouent avec la lumière silencieuse. Les gens qui sont là deviennent le mouvement essentiel de la peinture immobile de Blin.

La peinture de Blin qui se donne dans la rigueur de ses formes. Or, si l’on veut bien pénétrer davantage, cette rigueur cherche à contenir comme une mollesse des personnages qui prennent le temps de se mettre en mouvement et d’aller vers l’au-delà de la toile, vers un autre mouvement qui ne leur appartient déjà plus.

Oui, la peinture de Blin est à la fois dynamique et molle comme un ruban d’acier dont l’énergie tient tout autant de sa dureté que de sa souplesse. Cette énergie est, chez Blin, retenue, presque indolente et pourtant tendue vers autre chose.

C’est ça la musique. C’est un mouvement qui nous fige et nous entraîne au-delà. Et la peinture de Blin anticipe ce mouvement. Sans bruit.

On dit parfois d’un bruit qu’il est mou (comme le soupir d’une pelletée de terre qui s‘écrase). Et si la peinture a quelque chose à voir avec la musique, c’est justement dans le silence qu’elles instaurent. Et le silence n’est pas cassant. Il est mou comme la terre.

La peinture de Blin est venue s’emmêler dans la toile de Van Gogh qui a été dilapidée sans vergogne en neuf morceaux, dans lesquels Blin a coulé ses couleurs et ses formes.

En prenant du recul devant le polyptique finalement assemblé, on est à la fois dehors et dedans, sur une frontière; mais cette frontière n’est pas le seuil de l’église, c’est encore autre chose. Quelque chose d’impossible et pourtant c’est là, ou plutôt au-delà ; et on y est, si on plisse un peu les yeux...

Alors notre bonne femme peut tranquillement s’en aller. On la rejoint.

 

 

Nicolas Blin à Auvers-sur-Oise : Un polyptyque pour un centenaire

Double célébration

les neuf parties du polyptyque correspondent à un concert de la programmation de l'édition de ce 10ème festival de musique d'Auvers sur Oise qui célèbre cette année là le centenaire de la mort de Vincent Van Gogh.

Un élément par concert

Dans un premier temps, les neuf représentations nous donne une vue intérieure de l'église d'Auvers; elles mettent en scène les musiciens qui se produisent ce jour là, ou représentent le public des festivaliers à certains moments du concert ou du festival qui se déroule de mai à juin.

Hommage à Van Gogh

Dans un second temps, l'ensemble des toiles, vu de plus loin, privilégie l'hommage à Van Gogh : en effet l'écriture intérieure disparaît complètement, la structure de la composition de Van Gogh prend le dessus et s'impose aux spectateurs.

Symbolique

Le Polyptyque est rigoureusement 9 fois plus grand que la toile originale de Van Gogh, qui fut l'une de ses dernières œuvres* avant sa fin tragique.

*( aproximativement les 3 ou 6 juin 1890)

Au début des concerts, les toiles, qui pivotent sur la structure métallique, sont dans un parfait désordre, et quelques minutes avant le début du concert, elles sont mises en place. Quand le dernier élément est placé, le concert commence...

Scénographie

Blin utilise ici une technique mixte (huile sur toile), sur une toile de "pauvre" très grossière ce qui à pour effet de bien prendre la lumière. La globalité de l'œuvre est plus bleutée que la toile de Van Gogh : c'est une prise de distance sémantique et un atout scénique. La structure est auto porteuse ce qui permet au polyptyque d'être installé de manière autonome. Les mats réglables permettent une adaptation de la hauteur selon les lieux, le polyptyque est présent à tous les concerts de ce festival qu'ils se donnent à l'église d'Auvers ou au château de Méry sur Oise.

Maria Klaus

 
fevrier 1990

 

Polyptyque du 10 ème festival d'auvers sur oise pour le centenaire de la mort de vincent van gogh

©adagp nicolas blin