La peinture de Nicolas Blin est discrète. Elle sait garder
son secret et nous révéler le nôtre, non comme ce qui n’est pas
à dire, mais comme ce qui doit se vivre. Et ne pas se dénaturer.
Les "récits" de Blin ne sont pas comme une histoire plantée là,
à recevoir "crue". Ils se tendent vers nous presqu’imperceptiblement,
sans s'imposer.
Ces successions de toiles existent pour elles-mêmes, mais sont
d’un seul monde. Comme ses personnages : uniques dans l’Unique.
Ces êtres ne gesticulent pas dans leur cadre pour violer notre regard.
Comme des êtres profonds et silencieux parmi les bruyants qui s’essouflent,
nous sentons leur complicité, leur mystère ; il est aussi le nôtre.
Etrange rappel de ce qui était pourtant là, entre rêves et souvenirs.
Qui se cachait.
Resté longtemps devant ces toiles, en compagnie d’Erik Satie ou
Padre Soler, la fascination m’a mené, sans fanfares, hors du temps.
Mille récits. Attitudes de la plus haute humanité. Quelque chose
d’essentiel, pincé dans l’existence.
Alchimie "pontanée" de l’abstrait et de la figure, du rêve et de
la réalité ; légende et quotidien réunis, qui n’auraient jamais
dû se délacer, se distinguer.
Les personnages de Blin sont pour moi comme des lutins qui sont
là, autour. Vous ne les verrez que si vous les aimiez déjà...
Dans le récit exposé au Centre Galliera (1988), ces hommes sont
là dans une extraordinaire attente. Les graves rumeurs nous attirent.
Devant celui exposé cette année à la Galerie Roîf Wahl, on se hausse
sur la pointe des pieds pour se pencher. Mais ces gens, qui paraissent
d’abord comme des "intermédiaires" vous sont soudain familiers.
Nous sommes parmi eux.
Dans la clarté et le silence, le mystère est venu derrière les
remblais; nu, sans s'être dévoilé... Coeur de la complicité, ironique
et paisible.
Olivier Rochemaure - mai 1990
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